Ouvaton, Société Anonyme Coopérative, se doit de présenter lors de son Assemblée Générale annuelle son Rapport de Gestion. Cette tâche incombe au Président du Conseil d’Administration, et comme le Président c’est moi, je vais vous donner lecture de ce texte qui sera annexé au procès-verbal de notre Assemblée Générale.

Ouvaton est une Coopérative. C’est-à-dire que même si c’est une société dotée d’un capital social, contrairement à une association par exemple, c’est malgré tout une société de personnes. Ouvaton, c’est donc en premier lieu des gens, pas mal même, mais pas assez nous y reviendrons, près de 650 actuellement. C’est la personne qui est au centre de la démarche d’Ouvaton. La personne et ses besoins en matière d’hébergement internet. Il ne s’agit donc pas pour Ouvaton de partager une ressource technique comme on coupe un gâteau mais de prendre les moyens de fabriquer le gâteau qui permet à chacun de ses membres de disposer des services dont il a besoin, en les payant au “ juste prix ”.

Comme la loi et nos statuts le prévoient, Ouvaton est dirigée par un Conseil d’Administration placé sous le regard de l’ensemble des coopérateurs qui ont le pouvoir de le sanctionner. Nous avons donc fait le choix d’une démocratie représentative qui a placé la barre du contrôle par les coopérateurs bien plus haut que le minimum légal et qui laisse à leurs initiatives et avis une place importante, pas assez occupée malheureusement.

Le CA de la coop était composé de 9 personnes à notre création en avril 2001. Hormis la démission de l’un de ses membres intervenue assez rapidement, son travail s’est déroulé dans une atmosphère de respect, d’écoute et de sérieux. C’était indispensable mais ce n’était pas acquis d’avance. Le résultat, c’est que malgré les difficultés techniques que nous avons rencontrées jusqu’au début de l’année 2002, malgré des décisions importantes que nous avons dû prendre, malgré des négociations pas toujours simples avec différents partenaires, il n’y a pas eu de vrais moments de tension ni de claquages de portes. Et ce, en dépit de nos différences, de notre éloignement géographique et du temps qui n’est pas extensible.

Lors des échanges qui ont eu lieu ces dernières semaines avec les différents postulants au CA, la question qui revenait souvent était : “ mais qu’est-ce que vous y faites au juste ? ”. Il n’a pas été très facile de répondre, mais une chose est certaine, ceux qui ont participé au CA au cours des 12 derniers mois l’ont fait avec beaucoup de générosité et d’abnégation. Je comprends parfaitement que certains souhaitent lever le pied et laisser la place à d’autres coopérateurs.

Souvent au CA, nous nous sommes posé la question du meilleur moyen pour permettre aux coopérateurs qui le souhaitaient de participer activement à la vie de notre aventure. Sans doute est-ce le point sur lequel la prochaine équipe aura le plus besoin de travailler. Les contraintes chronophages liées à la mise en place de notre plateforme n’expliquent pas tout, l’investissement d’un maximum de coopérateurs est un défi auquel nous devrons apporter des réponses, sans pour autant fixer trop haut la barre du succès, ce serait le meilleur moyen pour noyer l’enthousiasme dans l’aigreur. En attendant que se constitue une équipe d’admin système, nous avons convenu avec Julien Ducros qui supervise l’administration de nos machines qu’un transfert de compétences serait réalisé vers les coopérateurs qui allient l’envie, la capacité et la disponibilité. Cette fonction est financée par l’association Ouvaton les Amis, grâce à la subvention obtenue auprès du Secrétariat d’Etat à l’Economie Solidaire.

Si Ouvaton est un regroupement d’individus, chacun conservant comme il se doit sa personnalité et ses aspirations, c’est aussi une collectivité appelée parfois à rejoindre ou à travailler avec d’autres entités. C’est ainsi que le Conseil d’Administration a décidé au cours du dernier exercice de participer à la coopérative E-toiles (internet.coop en fait) et d’adhérer à l’Association pour la Promotion de l’Économie Sociale et Solidaire (Apress).

E-toiles est un réseau d’acteurs, coopératifs à l’origine sans que cela soit exclusif, qui vise d’une part à porter un message collectif pour une économie sociale dans le secteur des technologies de l’information et de la communication ; et d’autre part à répondre de manière collective à des sollicitations commerciales importantes ou pour lesquelles l’un des membres du réseau, seul, n’a pas la capacité technique de proposer une offre complète. Ouvaton ayant été fondée avec comme toile de fond la volonté d’affirmer fortement une démarche “ Économie Sociale ” au moment même, souvenez-vous en, où la vague start-up occupait tous les médias, nous avons jugé pertinent de nous associer à E-toiles et d’y apporter une part du capital, 1000 euros.

Pour les mêmes raisons, nous avons adhéré à l’Apress qui a vocation d’être l’un des porte-drapeaux d’une économie sociale et solidaire moderne. Dans les jours prochains, cette association se transformera en Société Coopérative d’Intérêt Collectif et nous en ferons probablement partie.

La tentation est grande de balayer sans discernement les multiples initiatives prises ici ou là, sous prétexte que leur pérennité n’est pas assurée, que le risque de contribuer à meubler des coquilles vides existe bel et bien… et que nous avons tant à faire en interne. Je pense malgré tout que le repli sur soi et ses problèmes est souvent une erreur, et que dans la mesure où les réseaux d’acteurs auxquels nous apportons notre soutien sont en cohérence avec nos grands principes il est utile de s’y associer.

Il n’y a pas que les réseaux qui sollicitent nos principes, mais aussi pas mal de pétitions. Cette question a fait l’objet d’un débat au sein du CA : la coopérative Ouvaton doit-elle signer ou pas ? Sans que cela reflète l’unanimité des membres du CA, il a été décidé qu’Ouvaton ne signerait des pétitions que si celles-ci entraient strictement dans le cadre de notre activité d’hébergement. La frontière est ténue et nul doute que nous aurons à en rediscuter au coup par coup. Pour illustrer cette position, notons qu’Ouvaton n’a pas, en tant que tel, signé différentes pétitions contre la LSQ car leurs argumentaires dépassaient largement les questions liées à l’hébergement internet. La démarche d’Ouvaton est sans conteste politique : faire en sorte que dans un cadre coopératif, c’est-à-dire dans le marché mais en dehors d’une démarche capitaliste, l’utilisateur de notre service d’hébergement ait la garantie d’une large protection de ses données et d’une grande qualité de service à un coût dans la fourchette basse du marché. Mais pour que cette démarche reste lisible, nous avons pensé jusqu’à présent qu’il valait mieux ne pas nous disperser.

Des gens en réseau et dans des réseaux, qui en même temps qu’ils le consomment, produisent de l’hébergement internet. Autant le dire tout de suite, ça n’a pas été simple. Notre unique machine du début a connu plusieurs pannes et celles que nous avons achetées pour la remplacer ont tardé à arriver. Puis est intervenue la bascule vers VHFFS, pas assez préparée et non décidée par le CA, elle s’est faite dans la douleur. Après quelques semaines de stabilisation de la plateforme et les pannes devenues rituelles du vendredi, nous avons enfin trouvé la stabilité que nous recherchions.

Mais c’était sans compter les problèmes de bande passante… Après une période durant laquelle Valentin Lacambre hébergeait gratuitement notre serveur dans l’une de ses baies, nous avons conclu un accord avec la « filiale » de Placenet, la SARL Tanelorn. Il prévoit qu’avec l’association TuxFamily nous partagions un mégabit de bande passante. La configuration du routage de Gitoyen, celle des load balancer d’Ouvaton pour partager le trafic avec TuxFamily, ces opérations ont pris du temps, mais depuis le début du mois d’avril, en plus d’avoir une plateforme stable, nous avons aussi un trafic normalement fluide. Celui-ci devrait encore s’améliorer dans les semaines et les mois à venir car Placenet nous fournira un volume plus important de bande passante tandis que Tuxfamily bénéficiera d’un volume dédié. Bref, Ouvaton est maintenant en ordre de marche pour croître et accueillir d’autres coopérateurs dans de bonnes conditions. Et nous en avons besoin.

Les comptes de l’exercice 2001 font apparaître un déficit de 6838 euros. Plutôt qu’un commentaire détaillé, je vous propose de nous concentrer sur quelques remarques significatives.

  • Notre bilan montre bien l’importance de nos fonds propres. C’est grâce à eux que nous sommes en mesure d’encaisser un ou deux ou trois exercices déficitaires, tout en maintenant une infrastructure technique de qualité le temps d’atteindre le point d’équilibre. Cette situation résulte directement du choix qui a été fait de nous constituer en coopérative, elle garantit notre indépendance financière.
  • Notant que nous avons plus de 4000 euros prêtés à l’Etat sous forme de crédit de TVA dont nous avons demandé le remboursement. Celui-ci interviendra dans un délai d’environ 3 mois.
  • Notre déficit représente plus de 5 fois notre chiffre d’affaires, pas de doute, nous jouons dans la catégorie start-up 😉 Ce très mauvais résultat mérite de s’attarder sur nos coûts, puisque du côté des recettes, nous avons déjà une bonne idée des objectifs à atteindre.
  • Les amortissements représentent plus du tiers de nos charges, c’est très important. Cela s’explique par le choix stratégique qui a été fait , parce que nous en avions les moyens sans mettre en difficulté la structure, de disposer d’emblée d’une plateforme technique capable d’accueillir plusieurs milliers de comptes. De plus, les amortissements sont calculés avec la méthode dégressive. Ils sont donc plus importants au début qu’à la fin de la période d’amortissement.
  • Le poste principal des charges consiste en la location de l’espace vertical pour nos machines.

Notons pour conclure que la fonction de coût de notre activité n’est pas du tout linéaire en fonction du nombre de comptes hébergés. Il y a un seuil minimum de charges jusqu’à quelques milliers de comptes, la hauteur de ce seuil dépendant de l’option technique prise au départ. Une fois atteint le volume de production correspondant à la saturation de ce seuil minimal, le coût marginal de chaque nouveau compte est bien moindre que le coût moyen des premiers. Cette particularité explique la très forte élasticité entre le résultat et le nombre de comptes en fonctionnement. Autant d’éléments qui doivent encourager la mobilisation de l’ensemble des coopérateurs pour atteindre les objectifs de croissance raisonnables qui sont devant nous. En un an nous avons multiplié par 4 le nombre de coopérateurs, il nous reste encore à les tripler au cours des 12 prochains mois avant de réfléchir sur notre stratégie de développement à plus long terme.

Les simulations comptables établissent que l’équilibre, à structure technique et prix constants, est atteint aux alentours de 1800 coopérateurs. Et nous sommes pour le moment 650. Ce décalage n’est pas une surprise, nous avons projeté d’atteindre ce point d’équilibre à la fin de cette année, pour avoir un premier exercice équilibré en 2003. Notre trésorerie nous permet une telle démarche. Rappelons que si la coopérative Ouvaton n’est pas la titulaire de la subvention du SEES, c’est Ouvaton les amis qui reçoit l’argent, elle en bénéficie malgré tout indirectement.

Plusieurs solutions s’offrent à nous : augmenter le nombre de coopérateurs, augmenter le prix, limiter les charges, et bien entendu un mix du tout. Plutôt que de tripler le prix immédiatement, je suis partisan d’une démarche à moyen terme conservant notre tarification actuelle mais fixant par ailleurs des objectifs précis de croissance qui, s’ils n’étaient pas atteints, engendreraient des hausses de tarifs.

Cette question concerne tout le monde et, comme il n’y a pas urgence absolue, je souhaite qu’un tel plan puisse être élaboré par le nouveau Conseil d’Administration et discuté sur les forums avant l’été. Les choix que nous avons faits en matière de montage juridico-économique nous autorisent à ne pas être sous une trop grande pression. C’est un luxe dont il faut avoir conscience, mais aussi l’occasion d’agir de manière réfléchie sans oublier nos objectifs de départ. L’impératif de développement n’est pas un caprice de grenouille, mais la clef parfaitement identifiée de la qualité en totale indépendance.

Durant les 18 derniers mois, alors que des centaines d’entreprises proposaient de l’hébergement internet, Ouvaton a bénéficié d’une communication très importante dans les médias car nous avons mis en avant notre spécificité organisationnelle à un moment où il y avait sans doute une attente pour un message différent. Maintenant que notre existence est avérée et connue, nous allons je crois devoir changer de message pour mettre davantage en avant nos services et leur qualité, et si possible entrer dans les comparatifs entre les hébergeurs. Il ne s’agit pas de banaliser Ouvaton, mais de changer l’ordre de l’argumentaire : nous sommes une coopérative qui fait de l’hébergement, mais nous sommes aussi une entreprise d’hébergement qui a choisi la forme coopérative. Ouvaton, c’est l’hébergement mutualisé « pareil mais mieux », sans oublier les personnes pour lesquelles la demande est celle d’hébergement en sous-domaine.

Réussir l’intégration des nouveaux administrateurs, dynamiser l’implication des coopérateurs, consolider notre infrastructure technique, tripler rapidement le nombre de coopérateurs dans les prochains mois, fabriquer ou faire fabriquer l’interface de gestion de la coopérative, le prochain CA aura un gros travail de consolidation à réaliser mais je ne doute pas qu’il y parviendra. Cela sera d’autant plus simple que beaucoup d’entre-nous s’y mettront.

Alexis Braud – Président